Cordes raides, la première novella de la COLLECTION Les sens, Des mots, évoque un génie de la musique : Bartolomeo Giuseppe Antonio Guarneri. Aujourd’hui encore, le nom de ce luthier de génie fait frémir d’envie tous les violonistes virtuoses. Pourtant, sa renommée reste limitée au seul cercle des grands mélomanes. La faute à un voisin pour le moins encombrant : un certain Antonio Stradivari !
Apparu au XVIe siècle, en Lombardie, le violon a ses légendes : Claudio Monteverdi, son premier virtuose, Niccolo Paganini, Yehudi Menuhin, Isaac Stern… Une liste dans laquelle se glisse quelques luthiers, artisans de génie dont les créations plusieurs fois centenaires émerveillent aujourd’hui encore les plus grands musiciens. C’est le cas de Bartolomeo Guarneri, connu sous le nom de Guarneri del Gesù car il signait ses instruments d’un christogramme IHS et d’une croix grecque.
Bartolomeo est né le 21 août 1698 à Crémone, dans le nord de l’Italie. Il est le cadet d’une famille de luthiers, un art qu’Andrea, son grand-père, a appris dans la ville voisine de Brescia, auprès de la famille Amati, une dynastie à qui l’on prête fréquemment l’invention du violon. A seize ans, le jeune homme rejoint l’atelier familial. Quatre ans plus tard, il réalise ses premiers instruments. Deux ans passent et, malgré des débuts prometteurs, Bartolomeo renonce à la lutherie. Jeune marié, il préfère tenir un café, une activité dont il attend de meilleurs revenus. C’est que la famille Guarneri, aussi talentueuse soit-elle, ne roule pas sur l’or. Pietro, l’aîné de Bartolomeo, doit même s’exiler à Venise pour gagner sa vie.
Une rivalité fatale
Leurs difficultés financières, les Guarneri la doivent à leur proche voisin : Antonio Stradivari. Ce Crémonais brille alors au firmament de la profession et chacune de ses créations assoit un peu plus sa fortune. Difficile de lutter contre un tel génie. De retour aux affaires après que son père, Giuseppe, malade, lui a laissé l’affaire, Bartolomeo va pourtant s’y employer. A sa façon : en innovant sans cesse pour améliorer la sonorité de ses instruments. Tant est si bien que ces derniers rivalisent bientôt avec ceux de Stradivari. Oh, pas d’un point de vue esthétique. En manque constant d’argent, Guarneri del Gesù doit produire aussi vite qu’il peut pour renflouer ses caisses. Les finitions sont bâclées. Qu’importe la forme ; il s’attacha au fond, au son et c’est une pleine réussite ! Il joue avec la longueur des ouïes, l’épaisseur des bois, l’angle de la voûte et fait naître de ses expérimentations des joyaux à la résonance inégalée.
Hélas, malgré ses prouesses, Guarneri del Gesù reste dans l’ombre de Stradivari. Jusqu’au bout, il tire le diable par la queue. A sa mort, faute d’héritier, Catarina, son épouse, ferme l’atelier. Le nom des Guarneri tombe peu à peu dans l’anonymat jusqu’à ce que quelques décennies plus tard, le soliste Gaetano Pugnani l’en sorte, éblouissant alors toutes les cours d’Europe avec le son incroyable de son instrument. Il affichait une telle puissance que Niccolo Paganini qui en héritera un jour l’a surnommé Il Cannone. Le Canon !
Les violons de Guarneri del Gesù remportent toujours un vif succès. Il n’en reste aujourd’hui qu’une soixantaine d’exemplaires. Leur prix peut atteindre plusieurs millions d’euros. C’est le cas pour le Vieuxtemps datant de 1741, le Carodus (1743), l’Ex-Kochanski (1741), le Mary Portman (1735) ou encore le Panette (1737) confié par la banque BSI, son actuelle propriétaire, au virtuose français Renaud Capuçon.
*Pour une livraison en Relais Colis en France Métropolitaine.